28 août 2014

le métier

Nouveau socle : peut-être du mieux mais attention aux mirages

La nouvelle loi d ?orientation et de programmation pour la refondation de l ?Ecole prévoit l ?évolution du socle commun. C ?est dans ce cadre que le CSP, Conseil Supérieur des Programmes, a publié le 6 juin le projet d ?un nouveau socle qui s ?intitule désormais « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », c ?est à la demande de la FSU que le mot « culture » a été ajouté.

Le calendrier du CSP prévoit une large consultation des enseignants pendant l ?année scolaire 2014-2015 (avant la Toussaint)qui pourra être renseigné individuellement ou collectivement. Une demi-journée banalisée pourrait également être organisée dans chaque établissement pour permettre une réflexion collective. La DGESCO travaille à un questionnaire dont nous ne disposons pas pour l’instant.

Des projets de programmes renouvelés pour l ?école primaire et le collège seront proposés au cours de l ?hiver 2015. Leur mise en application est prévue à la rentrée 2016.

En ne s ?affichant plus comme un minimum nécessaire réduisant les apprentissages aux « fondamentaux », mais comme un texte plus ambitieux qui définit ce qui doit être construit au cours de la scolarité obligatoire et organise l ?ensemble des programmes scolaires, le nouveau socle est censé marquer un changement de logique par rapport au socle de 2005.

Rappelons que, contrairement au SE-UNSA et au SGEN qui avec d ?autres organisations ont formé le groupe « Socle, promesse démocratique », le SNES-FSU s ?était farouchement opposé au précédent socle. Son contenu centré sur de soi-disant "fondamentaux" définissait un "minimum" pour tous. Ce miniçmum était distinct des programmes dont la maitrise et les contenus tendaient à être réservé à une élite éclairée ou favorisée des élèves. Ce socle portait en lui une école à deux vitesses. Le LPC (Livret Personnel de Compétences), était chargé d’évaluer si les élèves avaient acquis ce minimum. Il a largement été refusé dans les établissements, particulièrement dans l ?académie de Créteil, parce qu ?il était aussi chronophage qu ?inopérant.

Ce nouveau socle, défini par le CSP se rapproche plus de la définition d ?une « culture commune », d ?un idéal à acquérir que de la définition d ?un « minimum fondamental ». Il se veut un principe organisateur de l’écriture des programmes à venir.

Dans ce cadre il revient (à l’exception de la prédominance affirmée de l’anglais sur les autres disciplines) sur la hiérarchisation entre les disciplines accentuée par la loi Fillon. Il se veut un moyen de créer de la cohérence entre les différentes disciplines et de réfléchir en amont aux liens possibles entre les différents contenus d’enseignement.

Ce socle revient également sur l’enseignement "par compétences" au profit d’une vision de l’acte d’apprendre où connaissances et compétences sont "les deux facettes complémentaires d’une authentique démarche d’apprentissage"(p. 2 du projet de socle). C’est une remise en cause de la très grande parcellisation des apprentissages à laquelle aboutit l’apprentissage "par compétences". Le bon élève étant celui qui parvient à faire les liens entre ses connaissances pour les mobiliser, cette parcellisation est particulièrement néfaste aux élèves en difficultés.

Le principe d’un "socle commun" est donc maintenu mais ce en quoi il consiste paraît évoluer de façon significative.

C ?est d ?ailleurs pour cela que le SE-UNSA et le SGEN, alors qu ?ils avaient défendu le socle Fillon de 2005, s ?opposent maintenant à ce nouveau socle le trouvant trop ambitieux et en rupture avec les principes de 2005 qu’ils défendent mordicus.

Toutefois, ce texte ne lève pas le voile sur des questions essentielles et il convient d’être extrêmement vigilent. Le refus d’abandonner le terme de "socle" témoigne du fait que ce texte résulte d’équilibres fragiles entre différentes conceptions de l’école et de l’acte d’apprendre.

- La question de l’évaluation du socle n’est pas tranché et le LPC n’est pas formellement écarté.

Alain Boissinot, président démissionnaire du CSP a insisté pour que soit mis un terme à la dichotomie entre l ?actuel livret personnel de compétences qui évalue l ?acquisition du socle commun et le brevet qui évalue les enseignements disciplinaires. Mais pour l ?instant les informations sur les modalités qui vont être mises en place pour évaluer les cinq domaines de ce nouveau socle : langages, les méthodes et outils d ?apprentissage, la formation de la personne et du
citoyen, la représentation et la compréhension du monde restent très vagues. Toutefois, on remarque que la forme du socle se prête mal à une évaluation disciplinaire.

Qu ?adviendrait-il alors des épreuves terminales en fin de scolarité ? Comment s ?articulera l ?évaluation conjointe socle / brevet ? Il ne faudrait pas retomber dans les travers du LPC, à savoir une évaluation exclusivement par compétences et aller vers la suppression du DNB et du bac.

Le domaine 3, « Formation de la personne et du citoyen », dont les objectifs relèvent de la construction personnelle et ne peuvent pas être évalués de façon objective. Il serait problématique de devoir évaluer ce domaine.

Pour l’instant nous sommes dans le virtuel, il ne s’agit que de principes

Ce nouveau socle doit irriguer l ?ensemble des nouveaux programmes disciplinaires. Il reste à savoir comment ce socle sera traduit dans les textes des nouveaux programmes. La construction des savoirs chez les élèves passe par le maintien d’une entrée disciplinaire. Nous devrons rester attentives et attentifs au fait que les contenus des programmes ne soient pas revus à la baisse. Nous devrons également prendre garde au fait que ceux-ci ne définissent pas des objectifs inatteignables.

Cela dit, ce nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture ne saurait résoudre toutes les difficultés rencontrées par l ?école. Seule une vraie réforme accompagnée des moyens nécessaires pourra permettre à tous les élèves d ?accéder à une culture commune ambitieuse.