5 juin 2015

le métier

Expliquer et convaincre : gagner la bataille de l’opinion.

La grève et la manifestation intersyndicales du 11 juin prochain s’annoncent comme une nouvelle montée en puissance de la mobilisation contre la réforme du collège. La publication à la hâte, au lendemain de la grève du 19 mai dernier, du décret actant la mise en ?uvre de la réforme ne doit tromper personne. Elle résonne comme un aveu de faiblesse de la part de ce gouvernement, qui veut aller vite pour casser un mouvement qui prend de l’ampleur : [http://www.creteil.snes.edu/administration-du-site/combattre-la-reforme-du-college.html ]
Pour obtenir l’abrogation du décret et le retrait de la réforme, le SNES-FSU Créteil invite toutes les sections d’établissement à prendre contact avec les parents d’élèves et à animer des réunions publiques d’information.
Retour sur les fondamentaux de la réforme, pour aider à l’appropriation par les militants du diaporama ci-joint :http://www.creteil.snes.edu/IMG/pdf/reforme_du_college_reunions_publiques_d_information.pdf

Le 11 mars dernier, Madame la ministre de l ??ducation Nationale présentait un plan complet de réforme du collège, aux allures d’une politique d’ajustement structurel. Au motif, je cite, que « le collège aggrave la difficulté scolaire », [??] « qu’il cristallise les défauts de notre système éducatif », qu’il est « peu motivant pour les élèves, anxiogène pour les parents et frustrant pour les professeurs », Madame la ministre livrait en pâture le collège et ses enseignants à la presse, faisant reposer l’essentiel de l’échec scolaire sur les « mauvaises pratiques pédagogiques » de ces derniers.

Pour le SNES-FSU, les raccourcis opérés par la Ministre sont évidents. Celle-ci désigne les enseignants comme les boucs-émissaires, seuls responsables de l’échec scolaire, en raison de « mauvaises pratiques » pédagogiques. Elle feint d’ignorer ce que l’échec scolaire doit aux inégalités sociales et singulièrement aux logiques de ghettoïsation des établissements défavorisés. Ce discours passe sous silence le surremplissage chronique des salles de classe, en raison de la cure d’amaigrissement imposée depuis près de 15 ans au système éducatif. Comment déplorer dès lors une baisse du taux de réussite des élèves français aux tests PISA OCDE, quand on sait qu’entre 2002 et 2012, le discours des ministres successifs a toujours consisté à nier l’impact de la suppressions de 87 000 postes d’enseignants sur les conditions d’apprentissages des élèves ?

Une offre éducative, linguistique et culturelle réduite, au détriment du plus grand nombre.

Négligeant tous les éléments fondamentaux du diagnostic, cette réforme ne s’attaque pas aux véritables difficultés. Aussi prévoit-elle de lutter contre l’échec scolaire en réduisant de 496 heures de cours disciplinaires - soit près de deux trimestres et demi - le volume horaire global dû à chaque élève au cours de la scolarité au collège ! Combattre l’échec en diminuant le nombre d’heures de cours, il fallait y penser. Et les adeptes des raisonnements contre-intuitifs font preuve de beaucoup d’imagination, depuis près de trois mois maintenant, pour justifier le bien fondé d’une telle mesure au profit des nouveaux gadgets pédagogiques : l’Accompagnement Personnalisé (AP) et les Enseignements Pratiques et Interdisciplinaires (EPI).

Comment être dupe ? Les heures d’EPI et d’AP sont obtenues au prix fort, en rabotant les horaires dus aux élèves, en globalisant les horaires par groupes de disciplines (enseignements artistiques / langues vivantes / technologie, SVT, physique chimie) en laissant au libre-arbitre du Conseil pédagogique, c’est-à-dire du chef d’établissement la répartition locale de ces heures. Une telle décision implique l’abandon du Grec et la marginalisation totale du Latin, prélude à sa suppression pure et simple. Et que dire de la suppression des classes bilangues et des classes Européennes à l’heure de la construction européenne ? « heureuse et triomphante » ? En introduisant la LV2 dès la cinquième, le ministère entend masquer la diminution globale de l’offre culturelle des établissements publics, laquelle renforcera à coup sûr l’attractivité des établissements privés, qui conserveront seuls ces enseignements.

Une école à plusieurs vitesses.

Plus grave encore, le décret prévoit que le chef d’établissement peut désormais - après avis du conseil pédagogique - « moduler la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect : du volume horaire global dû à chaque discipline d ?enseignement obligatoire pour la durée du cycle ; du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève. » Cette disposition rend illisible les manquements au respect des horaires obligatoires dus à chaque élèves. Elle offre la possibilité aux Principaux de créer parcours scolaires différenciés selon les classes et les établissements, c’est-à-dire, de véritables filières au collège, en instituant sans le dire une école à plusieurs vitesses. Des « classes socles » réaliseront l’essentiel de leur horaires de français, mathématiques et histoire-géographie en 6è -5è et les perdront logiquement en 4è et 3e. L’orientation de ces élèves se réduira alors évidemment à la voie professionnelle sinon à l’apprentissage, après éviction précoce dès la 5è.

Le projet actuel tourne le dos aux ambitions d’une école démocratique au profit d’une école à plusieurs vitesses. Le renvoi au niveau local de l’organisation accentuera les déséquilibres déjà à l ??uvre entre les établissements dans l ?offre scolaire et la compétition entre les territoires. Les établissements les moins attractifs, objectivement moins bien dotés, seront contraints d ?adapter leur offre de formation par pure contingence, au gré des carences en personnels et non en fonction d ?objectifs éducatifs. Des options ou même des disciplines disparaîtront de ces établissements. En l ?absence de repères communs ? cadrages horaires et disciplinaires par niveau - cette réforme rendra illisibles les signes les plus ostensibles d ?inégalité de traitement entre les établissements à l ?échelle du territoire de la République.