7 janvier 2016

actu des établissements

MOTION adoptée par les adhérent-e-s de la section syndicale SNES du lycée Samuel Beckett

Le S1 du lycée Samuel Beckett estime que le SNES doit se prononcer contre l ?état d ?urgence et demander sa levée immédiate.

Nous sommes extrêmement inquiets des conséquences que va avoir cet ensemble de mesure sur nos activités syndicales et militantes. Et nous sommes profondément choqués par le caractère liberticide et antisocial des mesures en question.
Depuis plus de trente ans, on a assisté en France à une multiplication des lois toujours plus sécuritaires. Cette surenchère a-t-elle été efficace ? A-t-elle permis de protéger les citoyens de nouveaux attentats ? Non, ces lois n ?ont pas réussi à empêcher des individus déterminés de commettre de tels actes. En revanche, ces dispositifs sont désormais utilisés contre l ?ensemble des citoyens, restreignant nos libertés.
De ce point de vue, l ?instauration de l ?état d ?urgence constitue un saut qualitatif extrêmement grave. Le gouvernement en a bien conscience puisqu ?il a pris, il y a 2 semaines, l ?initiative d ?écrire à la Cour Européenne des Droits de l ?Homme pour demander ?? une dérogation à l ?application de la Convention Européenne des Droits de l ?Homme : l ?Etat français annonce donc clairement que, au nom de la défense des droits de l ?homme, il va porter atteinte aux droits de l ?homme !
A ce jour, des libertés ont été supprimées par l ?état d ?urgence et des principes juridiques fondamentaux ont été remis en cause. En voici une liste non exhaustive :

  • En temps normal, on ne peut être condamné à une peine quelconque qu ?après avoir eu le droit à un procès, où l ?on a pu présenter sa défense, et si la décision ne nous semble pas juste, faire appel. En temps normal, on ne peut pas être condamné pour avoir eu des pensées, des velléités, pour avoir fréquenté tel ou tel, mais seulement pour avoir commis des actes illégaux. L ?état d ?urgence autorise au contraire l ?Etat à assigner à résidence toute personne pour lesquelles «  il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace  ». Malgré le caractère extrêmement vague de la formule, qui ouvre la porte à l ?arbitraire le plus complet, certains ont pu penser naïvement que cette mesure ne serait en fait appliquée qu ?à des personnes se préparant à commettre des actes terroristes ; or ce n ?est pas du tout le cas : sans compter les personnes qui ne comprennent pas le motif des soupçons contre eux, elle a d ?ores et déjà été largement utilisée contre des militants écologistes, parce que militants écologistes. Au-delà de cet exemple, cette formule permet d ?autoriser des assignations à résidence contre n ?importe qui.
  • Il en va de même pour les perquisitions administratives, qui peuvent se faire sur le simple motif qu ?il existerait, selon la police, « des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace » ; là encore, cette disposition expose tout citoyen à l ?arbitraire policier, au délit de faciès, au délit d ?être simplement militant. Selon Le Monde, alors qu ?il y avait déjà eu plus de 1000 perquisitions administratives, dans 9 cas sur 10, les policiers n’avaient rien trouvé (preuve du « sérieux » de leurs suspicions)... mais ont laissé des personnes choquées, stigmatisées aux yeux de leurs voisins et des dégâts matériels parfois importants.
  • La liberté de manifestation est supprimée : alors que les manifestations sportives, commerciales et culturelles sont maintenues (matchs de football, marché de Noël, etc.), les manifestations revendicatives contre la politique du patronat et du gouvernement sont systématiquement interdites depuis le 13 novembre ; ceux qui osent braver l ?interdiction de manifester sont passibles de 6 mois de prison et 7500 euros d ?amende ; s ?il appartient certes toujours à l ?autorité de police d ?autoriser ou d ?interdire une manifestation, celle-ci doit normalement donner des motifs précis pour ne pas voir une éventuelle interdiction retoquée par le tribunal, et de telles mesures d’interdiction restaient jusque là exceptionnelles.
  • La liberté d ?association (et par conséquent la liberté syndicale, politique et associative) est gravement remise en cause, puisque l ?Etat s ?arroge le droit de dissoudre des associations ou groupements « qui participent à la commission d ?actes portant une atteinte grave à l ?ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent  ». Là encore, le vague des formulations ouvre la porte à l ?arbitraire. En particulier, vu que manifester est interdit et considéré d ?une façon générale comme une menace « contre l ?ordre public », on voit que toute organisation incitant à manifester ou faciliter la tenue d ?une manifestation risque de se voir dissoute !
  • Bien que les dispositions concernant la presse n ?aient pas été reprises dans la loi sur l ?état d ?urgence, des pressions considérables sont exercées sur la liberté d ?informer. Ainsi, un chroniqueur de RMC-BFMTV qui avait osé critiquer la direction des services de police et par là indirectement le Ministre de l ?intérieur a été viré par sa chaîne. Pourquoi ? Dans un email cité par Le Monde (23/11), la direction de la rédaction de la radio a évoqué les conséquences de cette chronique pour le travail de ses collègues : selon cet email, le Ministère de l ?intérieur a fait pression en interdisant à tout responsable de police d ?aller sur le plateau de la chaîne tant que ce chroniqueur y exercerait, et en privant cette chaîne des « informations » distillées par la police selon ses objectifs.
  • La liberté de circulation est remise en cause : des couvre-feux peuvent être arbitrairement imposés à la population par arrêté municipal, comme cela a été le cas dans un quartier de la ville de Sens.
    Le motif avancé par le gouvernement pour justifier l ?état d ?urgence, c ?est le risque de nouveaux attentats. Or s ?il est valable aujourd ?hui, ce motif le sera aussi dans trois mois, dans six mois ?? Car, malheureusement, l  Etat islamique » ne va pas disparaître du jour au lendemain. Ajoutons qu ?il ne disparaîtra certainement pas si les gouvernements occidentaux poursuivent la même politique qui a fourni à cet « Etat » le terreau qui lui a permis de naître et de se développer. Sa naissance et son développement sont en effet le résultat d ?une multitude de causes, à l ?échelle locale mais aussi mondiale.
    Enfin, pendant qu ?il suspend le droit de manifestation et met en place des mesures administratives contre les militants, le gouvernement ne suspend nullement ses offensives contre le Code du travail, contre le statut de la fonction publique, contre l ?école (réforme du collège, réforme des statuts, réforme des REP+ notamment).
    Nous ne pouvons pas nous laisser bâillonner. Nous ne pouvons pas laisser remettre en cause nos libertés fondamentales. Nous ne pouvons pas laisser remettre en cause les droits de l ?homme. C ?est pourquoi le SNES doit demander la levée immédiate de l ?état d ?urgence.